Je suis avocat depuis
1983.
Il n’y avait pas, en ce
temps, Internet ; ni même d’ailleurs le fax vieillot.
Simplement le courrier
postal, et le temps.
Avocat, c’est un métier
mais aussi un sacerdoce laïque. Un dévouement à l’être que l’on assiste face au
pouvoir quel qu’il soit, politique ou économique.
C’est cela que
symbolise la robe depuis le XIVe siècle ; c’est peut-être pourquoi jamais
je ne la roule sous le bras.
J’ai toujours pensé que
cela avait été une erreur de fusionner l’ancienne profession d’avocat avec, en
1991, la profession de conseil juridique car les avocats stricto sensu avaient
une mission qui ne relevait pas du droit des affaires.
Mais, c’est ainsi, et
l’on entend régulièrement parler de la grande marche vers une profession unique
du droit, un peu comme on parle de l’élargissement de l’Europe ; l’une comme
l’autre ne pouvant se faire que sur des critères économiques au préjudice de
l’identité de souche Ainsi, on entend parler de nouveaux marchés pour les avocats
et ainsi, le nombre des avocats a augmenté de 40 % depuis 10 années, ce qui est
une folie dans les bassins d’emploi affaiblis,
C’est une évidence, me direz-vous ; et
pourtant, pendant longtemps, la gouvernance de la profession a estimé que le
nombre d’avocats croissant générait une croissance du chiffre d’affaire global,
et donc augmentait la puissance de la profession.
C’est peut-être pour cela, par cette
erreur d’appréciation, qu’une grande partie de la profession, celle qui assure
la traditionnelle fonction de lien social de proximité, d’humanité, d’intimité
comme le prêtre et le médecin, souffre financièrement depuis quelques années.
30 à 40 % des cabinets d’avocats
seraient au bord du redressement judiciaire.
La paupérisation de la profession d’avocat
a des effets induits sur le manque de respect dont elle est victime de la part
de magistrats souvent déshumanisés ; parce que la formation technocratique est
hermétique à une forme de fantaisie de l’humanité.
Depuis des décennies s’accumulent les réformes
venues des ministères de Bercy et de la justice.
Ces réformes ne sont pas vraiment
conçues dans l’intérêt du justiciable mais visent à faire des économies et à
alléger le travail du juge en enlevant aux tribunaux des secteurs complets
d’activité confiés à l’administration ou à des organismes privés payants.
Ces réformes sont conçues avec
brutalité, nées, peut-être, de l’ignorance de la pratique, en créant des pièges
de procédure pour les avocats, de manière inutile et cruelle.
Ainsi, désormais, un litig inférieur à
5000 € doit faire l’objet d’une mesure de médiation obligatoire, payante, ou
être confié à un conciliateur de justice, brave homme à la retraite dont la
compétence juridique va laisser à désirer.
Il n’y a aucun progrès pour le justiciable,
mais on a éloigné les gueux du juge.
Étant précisé que les décrets sont
sortis au mois de décembre pour être applicables en janvier avec des
modifications de compétences puisque les tribunaux ont fusionné.
La moindre des choses aurait été de donner
un délai de six mois pour s’adapter, mais nous n’avons pas de ministre de la
justice qui défende son institution.
Alors, il y a une colère des avocats.
Parce qu’ils voient bien qu’il n’y a pas
de progrès pour les gens.
C’est une gestion obtuse qui est
dénoncée depuis longtemps ; souvenons-nous de Madame Dati.
Mais dans le progrès de la bêtise
administrative, rien ne change jamais.
Il appartient donc, aussi, à l’avocat,
de se rappeler qu’il est un acteur économique inscrit dans le monde économique
et que ce qu’il subit, d’autres professions le subissent aussi.
La rentabilité n’est pas un gros mot
quand les vents sont mauvais il faut veiller à la pertinence des choix, gérer,
anticiper ; bref faire son devoir d’entrepreneur en sachant que personne ne
l’aidera.
Vient donc le débat sur les retraites
j’ai parfois le sentiment qu’il en est
de ce pouvoir comme du pouvoir socialiste de 1981 ; on croit changer le monde,
mais il ne change jamais ou plutôt, jamais comme on l’attend.
Le système par répartition relève de la
pyramide de Ponzi et il me semble, pour ma part, qu’une réforme devrait
impliquer de la diversité et l’introduction de la capitalisation.
Sur le système des avocats il faut
observer qu’il est généreux, puisque la pension de base est dissociée des
revenus de l’activité pour un taux de cotisation jusqu’ici assez faible, trop
probablement, mais qui était déjà en voie d’augmentation.
Proposer de doubler le taux de
cotisation de manière certaine en proposant des compensations que le législateur
pourra supprimer à l’avenir n’offre pas de garanties suffisantes.
L’État, s’il n’est pas un monstre froid
est par nature un menteur.
Ce qui est proposé va donc fragiliser
encore plus les avocats qui le sont déjà, ceux qui assurent l’aide juridictionnelle,
la défense pénale des pauvres.
C’est une réalité et les conséquences
affecteront les plus fragiles des Français.
Et c’est vrai que beaucoup de cabinets
d’avocats, déjà fragilisés, vont disparaître.
Ils ne seront pas les seuls ; comme les petites
boutiques ferment le rideau, les petits libéraux sont en souffrance.
Cela ne date pas d’hier, il y a une
forme de mouvement qui vise à supprimer le petit.
Qui est responsable de cela ?
Probablement tout un chacun depuis des
décennies.
En revanche on observe que les pouvoirs
précédents n’ont pas fait les réformes, dit-on, et que, dès lors, le pouvoir
actuel les fait à marche forcée sans mesurer la colère qui monte.
Parce que les réformes, toujours conçues
par des technocrates, ne sont pas bonnes quand elles ne s’appuient pas sur la
réalité vécue des professionnels. De ce fait l’accélération, le passage en
force, attisent la colère sans être aucunement un gage de succès.
On devine que l’idée est d’arriver aux
futures élections avec un bilan économique satisfaisant ; mais si celui-ci,
potentiellement réaliste, se fait en créant de la haine ; alors croire que
l’épouvantail Marine Le Pen sera suffisant est probablement inexact.
J’avoue ici être grand utilisateur
d’Amazon, parce que le service rendu est difficilement remplaçable quand on
travaille beaucoup et j’avoue aussi télécharger mes livres sur un site parce
que c’est pareil.
Ce qui veut dire que bien sûr le
politique est méchant, mais que le consommateur et plus encore.
Il est juste de le dire.
Pour en revenir à la robe d’avocat, je ne
ferai pas partie de ceux qui la jettent aux pieds de Madame BELLOUBET, cette
inconsistante personne qui fleure l’hypocrisie, mais je ferai partie de ceux
qui la déposent, avec le respect que la robe mérite, en un geste funèbre.
Pour le reste, j’exerce une profession
et il m’appartient d’inscrire mon activité professionnelle dans l’actualité du
monde économique, technique, et de ne pas me tromper sur les choix qu’il me
faut discerner.
Comme tout un chacun.
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