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jeudi 24 mai 2018

Propriété de la résidence principale et surendettement des particuliers


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Un couple demandait à bénéficier d’une mesure de traitement de sa situation financière au titre du surendettement.
Sa demande a été rejetée par le juge du tribunal de Pointe-à-Pitre au motif que l’aliénation de son immeuble lui permettait de se reloger et de régler l’ensemble des dettes non professionnelles.
Pas de situation de surendettement, donc.
Cette décision est cassée par un arrêt de la Cour de cassation du 7 décembre 2017 (16–24536) laquelle rappelle les dispositions de l’article L711–1 du code de la consommation qui dispose
«  Le seul fait d'être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée à la date du dépôt du dossier de surendettement est égale ou supérieure au montant de l'ensemble des dettes non-professionnelles exigibles et à échoir ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement ».
Bien sûr, d’autres causes peuvent exister ; la mauvaise foi par exemple, mais pas le seul fait d’être propriétaire.

dimanche 20 mai 2018

L'opinion a toujours tort

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"La science, dans son besoin d'achèvement comme dans son principe, s'oppose absolument à l'opinion. S'il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l'opinion, c'est pour d'autres raisons que celles qui fondent l'opinion; de sorte que l'opinion a, en droit, toujours tort.
L'opinion pense mal; elle ne pense pas: elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur l'opinion: il faut d'abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. Il ne suffirait pas, par exemple, de la rectifier sur des points particuliers, en maintenant, comme une sorte de morale provisoire, une connaissance vulgaire provisoire L'esprit scientifique  nous interdit d'avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons-pas formuler clairement. Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu'on dise, dans la  vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d'eux-mêmes. C'est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S'il n'y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique Rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit".

Gaston Bachelard, La Formation de l'esprit scientifique (1938), Vrin, coll. «Bibliothèque des textes philosophiques», 1993, p. 14.

jeudi 17 mai 2018

MARSEILLE


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Marseille sortie de la mer, avec ses poissons de roche,
ses coquillages et l'iode,
Et ses mâts en pleine ville qui disputent les passants,
Ses tramways avec leurs pattes de crustacés sont

luisants d'eau marine,
Le beau rendez-vous de vivants qui lèvent le bras

comme pour se partager le ciel,
Et les cafés enfantent sur le trottoir hommes et femmes

de maintenant avec leurs yeux de phosphore,
Leurs verres, leurs tasses, leurs seaux à glace et leurs

alcools,
Et cela fait un bruit de pieds et de chaises frétillantes.
Ici le soleil pense tout haut, c'est une grande lumière
qui se mêle à la conversation,
Et réjouit la gorge des femmes comme celle des

torrents dans la montagne,
Il prend les nouveaux venus à partie, les bouscule un

peu dans la rue,
Et les pousse sans un mot du côté des jolies filles.
Et la lune est un singe échappé au baluchon d'un

marin
Qui vous regarde à travers les barreaux légers de la nuit.
Marseille, écoute-moi, je t'en prie, sois attentive,
Je voudrais te prendre dans un coin, te parler avec douceur,
Reste donc un peu tranquille que nous nous regardions un peu
O toi toujours en partance
Et qui ne peux t'en aller,
A cause de toutes ces ancres qui te mordillent sous la mer.


Jules SUPERVIELLE

samedi 5 mai 2018

Si l’homme redevenait l’animal muet qu’il fut !

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  Trois heures de conversation, j’ai perdu trois heures de silence.
  La douceur de vivre a disparu avec l’avènement du bruit. Le monde aurait dû finir il y a cinquante ans ; ou, beaucoup mieux, il y a cinquante siècles.
  Silence presque total. Ah ! Si tous ces gens persévéraient indéfiniment dans leur sommeil ! Ou si l’homme redevenait l’animal muet qu’il fut !
  J’entends les cloches de Saint-Sulpice, je crois. Émotion soudaine. Irruption du passé dans une époque sinistre comme la nôtre. C’est tout de même un autre bruit que celui des voitures.
  Rentrer en soi, y entendre ce silence aussi vieux que l’être, plus ancien même - le silence antérieur au temps.
  On m’a raconté l’histoire d’une femme, sourde depuis trente ans, qui vient de recouvrer l’ouïe à la suite d’une opération et qui, atterrée par le bruit, a demandé qu’on lui redonne sa surdité...
  Veille de Pâques. Paris se vide. Ce silence si inhabituel comme en plein été. Que les gens avant l’ère industrielle devaient être heureux ! Mais non. Ils ignoraient complètement leur bonheur, comme nous ignorons le nôtre. Il nous suffirait d’imaginer dans le détail l’an 2000 pour que nous ayons par contraste la sensation d’être encore au Paradis.
  Si la plus grande satisfaction qu’on puisse atteindre dérive de l’entretien avec soi dans la solitude, la forme suprême de "réalisation" est la vie érémitique.
  Si seulement on avait le courage de ne pas avoir d’opinions sur quoi que ce soit ! Ou alors en émettre une devrait constituer un acte aussi important que prier. Se mettre en état d’oraison pour oser avoir une opinion ! C’est à cette seule condition que "la parole" pourrait acquérir quelque dignité ou reconquérir son ancien statut, si tant est qu’elle en eût un jamais dont elle pût être fière.
  Pourquoi tout silence est-il sacré ? Parce que la parole est, sauf dans des moments exceptionnels, une profanation.
  La seule chose qui élève l’homme au-dessus de l’animal est la parole ; et c’est elle aussi qui le met souvent au-dessous.
  Je crois la parole récente, je me figure mal un dialogue qui remonte au-delà de dix mille ans. Je me figure encore plus mal qu’il puisse y en avoir un, je ne dis pas dans dix mille ans, dans mille ans seulement.
  Je crois aux vertus du silence, je ne m’attribue quelque réalité que lorsque je me tais, et je parle, je parle, et nous parlons tous. Le vrai contact entre deux êtres, et entre les êtres en général, ne s’établit que par la présence muette, par non-communication apparente, comme l’est toute communion véritable, par l’échange mystérieux et sans parole qui ressemble à la prière intérieure.
  J’ai combattu toutes mes passions et j’ai essayé de rester encore écrivain. Mais c’est là une chose quasi impossible, un écrivain n’étant tel que dans la mesure où il sauvegarde et cultive ses passions, où il les excite même et les exagère. On écrit avec ses impuretés, ses conflits non résolus, ses défauts, ses ressentiments, ses restes... adamiques. On n’est écrivain que parce que l’on n’a pas vaincu le vieil homme, que dis-je ? L’écrivain, c’est le triomphe du vieil homme, des vieilles tares de l’humanité ; c’est l’homme avant la Rédemption. [...] C’est l’humanité tarée dans son essence qui constitue la matière de toute son œuvre. On ne crée qu’à partir de la Chute.
  Tout ce que l’homme fait, il ne le fait que parce qu’il a cessé d’être ange.
  Tout acte en tant qu’acte n’est possible que parce que nous avons rompu avec le Paradis.
  Tout créateur s’insurge contre la tentation de l’angélisme.
  Par tempérament je suis bavard, et tout ce que je puis avoir de bon, je le dois au silence.
  Il est 1 heure du matin. Ce silence extraordinaire justifierait à lui seul l’adhésion à une forme quelconque d’espoir.
  Le saint a raison de dire que le silence nous rapproche de Dieu. C’est quand tout se tait en nous que nous sommes à même de Le percevoir. Lui, c’est-à-dire quelqu’un ou quelque chose qui ne résiste pas à l’analyse, mais qui remplit néanmoins notre silence.
  Le silence va plus loin que la prière, puisqu’il n’est jamais plus profond que dans l’impossibilité de prier.
  Tout silence dont on est conscient, qu’on cultive ou qu’on espère se ramène à une possibilité d’expérience mystique.

Emile-Michel CIORAN, Cahiers(1947-1952).

mardi 1 mai 2018

Feue la présence humaine



Aussi vrai que la terre est ronde, elle tourne et sur elle l’homme invente.
Le feu, la roue, la voiture, l’ordinateur, l’intelligence artificielle.
C’est l’inventeur qui créée le monde que gère le politique, tant bien que mal.
C’est ainsi.
Numérisation nous dit-on et c’est inéluctable.
La terre parait tourner de plus en plus vite, ne vous semble-t-il pas ?
Ayons une pensée provinciale pour nos villages et bourgs d’autrefois.
Le maire, le curé, le boucher, le postier, l’instituteur, le notaire, l’avocat, le médecin et les paysans, bien sûr.
Les villes ont mangé ce monde-là créant des villages déserts.
Et maintenant les plus gros bourgs sont attaqués par la numérisation.
Le juge lui-même se voit numérisé avec la suppression annoncé du tribunal d’instance, au-delà des mots et des rassurances.
Et les 164 barreaux de province, issus d’un ordre anciens, de l’ancien régime même risquent la décapitation sur quelque plateforme numérique.
On jugera et soignera par visioconférence.
Ou par algorithme.
C’est ainsi, c’est inéluctable, c’est le progrès technique.
Au progrès technique n’a jamais correspondu un progrès philosophique.
Mais nul ne peut l’arrêter.
Platon, Socrate, Epictète, Montesquieu et Spinoza ne sont pas menacés.
Et n’est pas résolue la question de l’humain, primordiale.
La main que l’on serre plutôt que taper sur un clavier.
Une société sans présence humaine, déshumanisée, glacée peut-être.
Comme on tue par drone interposé, on jugera par intelligence artificielle.
Ce qui est surprenant, c’est cette incapacité à inventer un modèle économique fondé sur la proximité et non sur la concentration et les éloignements de toutes sortes.
Feue la présence humaine…