Il fut un temps, c’était
hier, où l’avocat était un seigneur, un
prince de l’esprit, un notable que l’on respectait
C’était le temps où
la question de l’honoraire était de celle qui était malséante ; le client respectueux offrait quelques
cadeaux.
J’ai, dans mon bureau,
le tableau de l’ordre des avocats au barreau de Cahors pour l’année judiciaire
1910-1911.
Ils sont neuf.
Il y a huit
stagiaires.
Ils sont quatre au Conseil
de l’ordre.
Ils devaient être beaux,
en ce temps-là, avec leurs robes et leurs toques.
Je ne sais quelle est
à ce jour la situation du barreau de Cahors, mais je sais qu’au barreau de
Marseille coexistent 1900 avocats et je sais que l’avocat n’est plus vraiment
un seigneur car, si tel était le cas, son banquier parfois ne lui demanderait
pas d’agios, ni ne rejetterait ses chèques.
Pourtant, certains
pensent encore que, comme autrefois, le client viendra, par le
bouche-à-oreille, dans son cabinet ; ceux-là qui parfois expliquent, et c’est beau, qu’ils
ont des problèmes avec la question de l’honoraire.
La question de l’argent,
c’est mal pour un seigneur.
Qui peut croire que
les choses fonctionnent encore ainsi ?
Vient donc d’être
publié un décret permettant le « démarchage » à l’avocat :
« Art. 15. - La
publicité et la sollicitation personnalisée sont permises à l'avocat si elles
procurent une information sincère sur la nature des prestations de services
proposées et si leur mise en œuvre respecte les principes essentiels de la
profession. Elles excluent tout élément comparatif ou dénigrant.
« La publicité
s'opère dans les conditions prévues par le décret du 25 août 1972 susvisé.
« La sollicitation
personnalisée prend la forme d'un envoi postal ou d'un courrier électronique
adressé au destinataire de l'offre de service, à l'exclusion de tout message
textuel envoyé sur un terminal téléphonique mobile. Elle précise les modalités
de détermination du coût de la prestation, laquelle fera l'objet d'une
convention d'honoraires. ».
Je n’y vois pas pour
ma part la fin du monde, là où certains de mes confrères, plus purs que je ne suis, ou moins soucieux peut-être de
leur avenir professionnel, utilisent un mot en quatre lettres visant en général
une profession, pourtant tout à fait respectable et déambulatoire.
Quelle est l’unité
économique qui peut aujourd’hui fonctionner sans un minimum de gestion et sans
un minimum de démarches visant à faire connaître qu’elle existe et quelle est
la nature de son activité ?
La communication
informative n’est pas, par nature de la prostitution, (Sinon, les commerciaux...),mais peut être une
information utile, si elle est faite avec correction.
Et que les chantres
du passé me pardonnent, mais la correction est une question d’hommes et pas d’époque.
Nous savons assez,
dans les barreaux, les pratiques parfois étonnantes des uns et des autres, bâtonnier compris, dans les
décennies passées.
Ces cartes délaissées
presque sur les cadavres
Ces comportements de voyous; rares, oui, mais.
La vraie question est
plutôt de savoir comment cette communication pourra être accessible aux petits
et moyens cabinets; communication à l’évidence nécessaire.
Il y a des combats
qui ne faut pas mener quand ils sont perdus d’avance.
Il existe ainsi, des sites qui offrent, pour quelques euros, des
prestations concernant l’introduction d’une instance judiciaire dont les
montants sont parfois minimes et que les cabinets d’avocats ne pourraient pas assumer
au même coût..
Il ne s’agit pas, me
semble-t-il, de chercher à supprimer ces sites, (dans la mesure où ils ne violent
pas la loi), mais d’inciter les Ordres comme l’a proposé le conseil national
des barreaux, à créer eux-mêmes de tels sites qui pourraient être animés par
des avocats ainsi rémunérés en ces temps de crise grave.
De la même manière,
pardon, mais chacun devine bien que la compétence territoriale est condamnée,
qui n’empêchera pas cependant une forme de sous-traitance, si nécessaire.
Mais s’il est un
combat, aujourd’hui, qui mérite d’être mené, c’est bien celui contre l’avocat en
entreprise dont on nous dit qu’il pourra plaider pour son patron, qu’il ne dépendra pas, en cas de litige des ordres et que son secret professionnel ne sera pas
opposable à son employeur.
Là, on touche au cœur
de l’identité de la profession d’avocat : l’indépendance consubstantielle
à son existence rappelle la CEDH.
Mais le fait pour un
avocat d’avoir l’autorisation de faire savoir qu’il existe est conforme au
temps qui évolue.
Rappelons que si la
profession peut survivre, elle doit bien s’adapter.
Et comme disait le Guépard :
il faut que tout change pour que rien ne change.