Un homme peut travailler avec autant
d'art qu'il le veut à se représenter une action contraire à la loi qu'il
se souvient avoir commise, comme une erreur faite sans intention, comme
une simple imprévoyance qu'on ne peut jamais entièrement éviter, par
conséquent comme quelque chose où il a été entraîné par le torrent de la
nécessité naturelle, et à se déclarer ainsi innocent, il trouve
cependant que l'avocat qui parle en sa faveur ne peut réduire au silence
l'accusateur qui est en lui s'il a conscience qu'au temps où il
commettait l'injustice, il était dans son bon sens, c'est-à-dire qu'il
avait l'usage de sa liberté. Quoiqu'il s'explique sa faute par quelque
mauvaise habitude, qu'il a insensiblement contractée en négligeant de
faire attention à lui-même et qui est arrivée à un tel degré de
développement qu'il peut considérer la première comme une conséquence
naturelle de cette habitude, il ne peut jamais néanmoins ainsi se mettre
en sûreté contre le blâme intérieur et le reproche qu'il se fait à
lui-même. C'est là-dessus aussi que se fonde le repentir qui se produit à
l'égard d'une action accomplie depuis longtemps, chaque fois que nous
nous en souvenons.
Kant, Critique de la raison pratique.
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