Marseille
sortie de la mer, avec ses poissons de roche,
ses
coquillages et l'iode,
Et ses mâts en pleine ville qui disputent les passants,
Ses tramways avec leurs pattes de crustacés sont
luisants
d'eau marine,
Le beau rendez-vous de vivants qui lèvent le bras
comme pour
se partager le ciel,
Et les cafés enfantent sur le trottoir hommes et femmes
de
maintenant avec leurs yeux de phosphore,
Leurs verres, leurs tasses, leurs seaux à glace et leurs
alcools,
Et cela fait
un bruit de pieds et de chaises frétillantes.
Ici le
soleil pense tout haut, c'est une grande lumière
qui se mêle
à la conversation,
Et réjouit la gorge des femmes comme celle des
torrents
dans la montagne,
Il prend les nouveaux venus à partie, les bouscule un
peu dans la
rue,
Et les pousse sans un mot du côté des jolies filles.
Et la lune est un singe échappé au baluchon d'un
marin
Qui vous
regarde à travers les barreaux légers de la nuit.
Marseille,
écoute-moi, je t'en prie, sois attentive,
Je voudrais
te prendre dans un coin, te parler avec douceur,
Reste donc
un peu tranquille que nous nous regardions un peu
O toi
toujours en partance
Et qui ne
peux t'en aller,
A cause de
toutes ces ancres qui te mordillent sous la mer.
Jules SUPERVIELLE
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