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samedi 4 juin 2016

Aller vite, c'est mourir plus tôt.

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Il m'est impossible de regarder sans une sorte de tristesse ces chemins de fer merveilleux auxquels notre industrie semble donner des ailes. Je ne sais si c'est un progrès que de pouvoir fendre ainsi l'espace comme une flèche; mais ce qu'il y a de sûr, c'est que cela me rend plus sensible la rapidité de la vie, qui avant notre invention, l'était cependant bien assez. Ces rainures de fer où nous sommes forcés de courir sans dévier d'une ligne, emportés par une puissance aussi aveugle, presque aussi indomptable que la foudre, n'est-ce pas une image de cet implacable sort qui nous entraîne, et dont nous sommes les esclaves alors même que nous croyons le maîtriser? On croit gagner du temps parce qu'on l'accélère. Mais ces voyages étourdissants ne font qu'abréger l'existence, qui n'est, elle, qu'une traversée. ils ne permettent pas la mémoire, le seul moyen qu'ait l'homme d'allonger et de doubler ses jours. L'unique souvenir qu'ils nous laissent, c'est qu'on va vite. Aller vite, c'est mourir plus tôt.


Jules Lefèvre-Deumier (1797-1853), Le Livre du promeneur

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