"Le Général m’offre en étrennes une réflexion de Nouvel An – l’ouverture d’une nouvelle époque pour la France et l’Europe :
« Nous avons procédé à la
première décolonisation jusqu’à l’an dernier. Nous allons passer
maintenant à la seconde. Après avoir donné l’indépendance à nos
colonies, nous allons prendre la nôtre. L’Europe occidentale est
devenue, sans même s’en apercevoir, un protectorat des Américains.
Il s’agit maintenant de nous débarrasser de leur domination. Mais la
difficulté, dans ce cas, c’est que les colonisés ne cherchent pas
vraiment à s’émanciper. Depuis la fin de la guerre, les Américains nous
ont assujettis sans douleur et sans guère de résistance.
« En même temps, ils essaient de
nous remplacer dans nos anciennes colonies d’Afrique et d’Asie,
persuadés qu’ils sauront faire mieux que nous. Je leur souhaite bien du
plaisir.
« Les capitaux américains
pénètrent de plus en plus dans les entreprises françaises. Elles passent
l’une après l’autre sous leur contrôle.
« Il devient urgent de secouer
l’apathie générale, pour monter des mécanismes de défense. Les
Américains sont en train d’acheter la biscuiterie française. Leurs
progrès dans l’électronique française sont foudroyants. Qu’est-ce qui
empêchera IBM de dire un jour : « Nous fermons nos usines de France,
parce que l’intérêt de notre firme le commande » ? Qu’est-ce qui
empêchera que recommence ce qui s’est passé l’autre année pour Remington
à Vierzon ? Les décisions se prennent de plus en plus aux États-Unis.
Il y a un véritable transfert de souveraineté. C’est comme dans le monde
communiste, où les pays satellites se sont habitués à ce que les
décisions se prennent à Moscou.
« Les vues du Pentagone sur la stratégie planétaire, les vues du business américain sur l’économie mondiale nous sont imposées.
« Bien des Européens y sont
favorables. De même que bien des Africains étaient favorables au système
colonial : les colonisés profitaient du colonialisme. Les nations
d’Europe reçoivent des capitaux, certes ; mais elles ne veulent pas se
rendre compte que ces capitaux, c’est la planche à dollars qui les crée ;
et qu’en même temps, elles reçoivent aussi des ordres. Elles veulent
être aveugles. Pourtant, à la fin des fins, la dignité des hommes se
révoltera. »
Charles de Gaulle
4 janvier 1963"
4 janvier 1963"
EXTRAIT DE C’ÉTAIT DE GAULLE D’ALAIN PEYREFITTE (T.2 , pp. 15 -16)
Salon doré [de l'Élysée ]- 4 janvier 1963
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire