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dimanche 5 avril 2015

Les morts veulent vivre, une autre résurrection

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"........Comme nous ne pen­sons pas comme nous voulons, et que le cours de nos pensées dépend principalement de ce que nous voyons, entendons et touchons, il est très raisonnable de se donner certains spectacles,afin de se donner en même temps les rêveries qui y sont comme attachées.
Voilà en quoi quoi les rites religieux ont une valeur. Mais ils ni sont que moyen ; ils ne sont pas fin ; il ne faut donc pas aller faire visite aux morts comme d'autres entendent la messe ou disent leur chapelet.

Les morts ne sont pas morts, c'est assez clair puisque nous vivons. Les morts pensent, parlent et agissent ; ils peuvent conseiller, vouloir, approuver blâmer ; tout cela est vrai ; mais il faut l'entendre. Tout cela est en nous ; tout cela est bien vivant en nous.

Alors, direz-vous, nous ne pouvons oublier les morts ; et il est inutile de penser à eux ; penser à soi,  c'est penser à eux. Oui, mais il est assez ordinaire que l'on ne pense guère à soi, vraiment à soi, sérieusement à soi.

Nous sommes trop faibles et trop inconstants à nos propres yeux ;  nous sommes trop près de nous ; il n'est pas facile de trouver une bonne perspective de soi, qui laisse tout en vraie proportion. Quel est donc l'ami de la justice qui pense continuellement à la justice qu'il veut ? 

Au contraire nous voyons les morts selon leur vérité, par cette piété qui oublie les petites choses; et leur puissance de conseiller, qui est le plus grand fait humain peut-être, vient de ce qu'ils n'exis­tent plus ; car exister c'est répondre aux chocs du monde environnant ; c'est, plus d'une fois par jour, et plus d'une fois par heure, oublier ce qu'on a juré d'être. Aussi cela est plein de sens de se demander ce que les morts veulent. Et regardez bien, écoutez bien : les morts veulent vivre ; ils veulent vivre en vous ; ils veulent que votre vie développe richement ce qu'ils ont voulu. Ainsi les tombeaux nous renvoient à la vie. Ainsi notre pensée bondit joyeusement par-dessus le pro­chain hiver, jusqu'au prochain printemps et jusqu'aux premières feuilles. J'ai regardé hier une tige  de lilas dont les feuilles allaient tomber, et j'y ai vu des bourgeons.

ALAIN, 8 novembre 1907

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