La
justice est un rapport de convenance, qui se trouve réellement
entre deux choses ; ce rapport est toujours le même ;
quelque être qui le considère, soit que ce soit Dieu, soit que ce
soit un Ange, ou enfin que ce soit un homme.
Il est
vrai que les hommes ne voient pas toujours ces rapports ;
souvent même lorsqu’ils les voient, ils s’en éloignent, et
leur intérêt est toujours ce qu’ils voient le mieux. La justice
élève la voix ; mais elle a peine à se faire entendre dans le
tumulte des passions. Les hommes peuvent faire des injustices,
parce qu’ils ont intérêt de les faire, et qu’ils préfèrent
leur propre satisfaction à celle des autres. C’est toujours
par un retour sur eux-mêmes qu’ils agissent : nul n’est
mauvais gratuitement. Il faut qu’il y ait une raison qui détermine
et cette raison est toujours une raison d’intérêt. Mais il n’est
pas possible que Dieu fasse rien d’injuste ; dès qu’on
suppose qu’il voit la justice, il faut nécessairement qu’il
la suive : car comme il n’a besoin de rien et qu’il se
suffit à lui-même, il serait le plus méchant de tous les êtres,
puisqu’il serait sans intérêt. Ainsi, quand il n’y aurait pas
de Dieu, nous devrions toujours aimer la justice ; c’est
à dire faire nos efforts pour ressembler à cet être dont nous
avons une si belle idée, et qui, s’il existait, serait
nécessairement juste.
Montesquieu
"La vision de la justice est le plaisir de Dieu seul' Rimbaud " une saison en enfer"
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