IV. L'idée que l'on se
fait de l'orateur est surtout utile dans les délibérations, et la disposition
de l'auditoire dans les affaires judiciaires. En effet, on ne voit pas les
choses du même oeil quand on aime et quand on est animé de haine, ni quand on
est en colère et quand on est calme ; mais elles sont ou tout autres, ou d'une
importance très différente. Pour celui qui aime, la personne en cause semble
n'avoir pas commis une injustice, ou n'en avoir commis qu'une légère. Pour
celui qui hait, c'est le contraire. Pour celui qui conçoit un désir ou une
espérance, si la chose à venir doit être agréable, elle lui paraît devoir
s'accomplir, et dans de bonnes conditions. Pour celui qui n'a pas de passion et
dont l'esprit est chagrin, c'est le contraire.
V. Il y a trois choses
qui donnent de la confiance dans l'orateur ; car il y en a trois qui nous en
inspirent, indépendamment des démonstrations produites. Ce sont le bon sens, la
vertu et la bienveillance ; car on peut s'écarter de la vérité dans le sujet
que l'on traite, ou par ces trois points, ou par quelqu'un d'entre eux.
VI. Par suite du manque
de bon sens, on n'exprime pas une opinion saine ; et, si l'on exprime une
opinion saine, par suite de la perversité, on ne dit pas ce qui semble vrai à
l'auditeur ; ou bien encore l'orateur peut avoir du bon sens et de l'équité,
mais pécher par le défaut de bienveillance. C'est pourquoi il peut arriver
qu'il ne donne pas les meilleurs conseils, tout en connaissant la question. Au
delà de ces divisions, il n'y a plus rien. Donc, nécessairement, celui qui
semble réunir toutes ces conditions aura la confiance de ses auditeurs.
VII. En conséquence, ce
qui mettra en relief le bon sens et la vertu d'un orateur, on devra le chercher
dans les distinctions que nous avons établies parmi les Vertus ; car les mêmes
arguments qui permettront de donner telle disposition à soi-même serviront à un
autre .
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