La caractéristique de l'endive est sa
fadeur : l'endive est fade jusqu'à l'exubérance. Sa forme, qu'on peut qualifier
de n'importe quoi, genre machin, est fade. Sa couleur, tirant sur rien, avec
des reflets indescriptibles à force d'inexistence, est fade. Son odeur,
rappelant à l'amnésique qu'il a tout oublié, est fade. Son goût, enfin,
puisque, dit-on, de nombreux pénitents mystiques préfèrent en manger plutôt que
de crapahuter sur les genoux jusqu'à Saint-Jacques-de-Compostelle, atteint dans
la fadeur gastronomique des sommets que le rock mondial frôle à peine dans la
pauvreté créatrice. L'endive, en tant que vivante apologie herbacée de la fadeur,
est l'ennemie de l'homme qu'elle maintient au rang du quelconque, avec des
frénésies mitigées, des rêves éteints sitôt rêvés, et même des pinces à vélo.
L'homme qui s'adonne à l'endive est aisément reconnaissable, sa démarche est
moyenne, la fièvre n'est pas dans ses yeux, il n'a pas de colère et sourit au
guichet des ASSEDIC. Il lit Télé 7 Jours. Il aime tendrement la banalité. Aux
beaux jours, il vote, légèrement persuadé que cela sert à quelque chose.
Dictionnaire superflu à
l'usage de l'élite et des bien nantis de Pierre Desproges - Desproges
Et sur ces bonnes paroles, en bonne endive, je vais voter !
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