J’exerce un métier, celui d’avocat, avocat dit judiciaire ;
Je l’exerce comme la majorité des avocats du pays, je pense
; petite unité économique, préoccupé de l’adaptation nécessaire aux nouvelles
technologies, de la formation, de la rentabilité aussi.
Je l’exerce en conservant la notion de l’humain, car, à la base
le métier d’avocat est celui-là dont la nature est judiciaire.
Les évolutions de la société ont conduit à voir se
développer d’autres formes d’avocat, tournés exclusivement vers les sociétés et
les affaires.
Cela ne signifie pas pour autant, me semble-t-il que les
avocats judiciaires doivent être catalogués comme anciens face aux modernes.
Aujourd’hui sont en gestation des projets de réforme de la
profession.
Je ne reviens pas ici sur les guerres intestines
épouvantables à l’intérieur de la profession, sur le rôle ambigu du Conseil de l’ordre
du barreau de Paris, sur les ambiguïtés
mêmes et le poids excessif de la pensée syndicale. réductrice, chez nous aussi.
Je ne reviens pas sur certaines dispositions du projet dont
on peut penser, qu’à terme et en prenant des précautions, elles ne sont pas
dénuées de sens.
Mais deux choses ne sont pas acceptables.
La première est la méthode qui consiste à voir un projet, bâclé, vaguement jeté pour consultation avant qu’il ne soit transmis
au Conseil d’État ; projet dont on projette de le faire passer par ordonnances
alors qu’il touche, puisqu’il touche aux avocats, à la notion des droits de la
défense et des libertés publiques.
Même avec la plus grande des intelligences, un technocrate
de Bercy ne peut pas appréhender les équilibres subtils que nécessite la
société démocratique car cela relève plus de la culture politique, de l’histoire
et de la philosophie que de la macro-économie ;
La deuxième chose qui est inacceptable est cette notion d’avocat
en entreprise que l’on essaie de nous vendre.
D’abord, qu’il y ait lieu pour les juristes d’entreprises de
disposer d’une confidentialité est nécessaire et peut-être est-ce une erreur,
si cela est exact, pour certains représentants de la profession de s’y opposer.
Ensuite, la période est étrange où l’on voit les banques
faire de l’assurance et les assurances faire de la banque ; je veux dire
en cela que l’on a l’impression que la puissance financière permet de
démultiplier les activités professionnelles au risque de la dénaturation.
Alors, la notion d’avocat
en entreprise est une idée qui peut venir de ceux qui rêvent d’attirer le plus
de monde possible dans la profession d’avocat pour asseoir leur pouvoir, comme
de grands groupes financiers qui veulent créer des structures, comme aussi
peut-être de directeurs juridique, et on parle du cercle Montesquieu, qui n’appréhendent
pas qu’ils ne sont pas avocats, même s’ils
veulent en obtenir le titre.
Le juriste en entreprise n’aura pas un secret absolu, mais
un droit de confidentialité, il sera soumis à son patron, comme dans toute
entreprise et on peut d’ailleurs à cet égard imaginer que la confidentialité
est illusoire.
Ce n’est pas cela le secret dont bénéficient les avocats ou plutôt
leurs clients.
Et ce n’est pas, je crois, être ancien que de considérer que
si les juristes d’entreprise exercent
une profession honorable, voire voisine, ils n’exercent pas ma profession.
Et qu’à force de vouloir charger la barque, elle finit par
couler.
Je veux dire que ceux qui veulent absolument l’avocat en
entreprise le font, soit dans un intérêt capitalistique, soit dans un intérêt d’orgueil,
mais ne le font pas dans l’intérêt même de la profession d’avocat et de la
clientèle quand l’humain reste au coeur de l’activité.
Un directeur juridique m’a catalogué de Cyrano ; j’ai un
grand nez.
J’assume, et même Don Quichotte.
Cela vaut mieux me semble-t-il que Panurge et ses moutons
ou, pire le joueur de flûte qui enleva les enfants…et demain les avocats.
La terminologie est importante : être avocat nécessite une
indépendance de statut et un secret professionnel absolu.
Qu’il y ait entre professions des liens, des passerelles ;
oui. ; En assurant la réciprocité, pour une fois.
Mais un directeur juridique n’est pas avocat et il faut tout
faire pour que cela continue ainsi.
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