Oui ou non ?
La
 loi punit la médisance et les mœurs  les plus sévères 
s’accordent ici avec la loi. Cela fait voir que la pleine franchise, à 
tout propos, à l’égard de tout et de tous, n’est pas louable. Le témoin 
doit la vérité au juge, mais non à n’importe qui. Personne n’approuvera 
que l’on rappelle une ancienne faute, maintenant expiée et réparée. Il 
est donc bon souvent de se taire ; et se taire, à la rigueur, c’est déjà
 mentir. Mais la sincérité n’est point à ce niveau-là. Qu’on n’essaie 
même pas de dire que l’on doit toute sa pensée à son ami. Quelle 
duplicité et lâcheté souvent dans cette morale qui veut être rigoureuse,
 et que l’on ne peut formuler pourtant sans un mensonge à soi-même ! 
Quoi ? Je dois dire à mon ami que je lui vois l’amaigrissement, la 
fatigue, la vieillesse, de plats discours, ou de ces répétitions 
machinales, signes fâcheux de la faiblesse ou de l’âge ? Vais-je même 
lui dire que je pense à une faute depuis longtemps pardonnée, si j’y 
pense ? Ou bien si je remarque en lui quelque disgrâce physique à 
laquelle je n’ai pu m’accoutumer, vais-je le lui dire ? Non pas. Mais au
 contraire je lui dirai ce qui peut éveiller le meilleur de lui, et 
ainsi consoler l’autre. Ou bien vais-je rappeler les vices ou les 
lâchetés d’un mort que l’on pleure ? Il y aurait pourtant lâcheté 
quelquefois à ne pas les voir, à les couvrir ; oui, mais lâcheté plus 
grande à les dire.
Alain 
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