« Le doute est le sel
de l’esprit ; sans la pointe du doute, toutes les connaissances sont bientôt
pourries. J’entends aussi bien les connaissances les mieux fondées et les plus
raisonnables. Douter quand on s’aperçoit qu’on s’est trompé ou que l’on a été trompé,
ce n’est pas difficile ; je voudrais même dire que cela n’avance guère ; ce
doute forcé est comme une violence qui nous est faite ; aussi c’est un doute
triste ; c’est un doute de faiblesse ; c’est un regret d’avoir cru, et une
confiance trompée. Le vrai c’est qu’il ne faut jamais croire, et qu’il faut
examiner toujours. L’incrédulité n’a pas encore donné sa mesure. Croire est
agréable. C’est une ivresse dont il faut se priver. Ou alors dites adieu à
liberté, à justice, à paix. Il est naturel et délicieux de croire que la
République nous donnera tous ces biens ; ou, si la République ne peut, on veut
croire que Coopération, Socialisme, Communisme ou quelque autre constitution
nous permettra de nous fier au jugement d’autrui, enfin de dormir les yeux ouverts
comme fond les bêtes. Mais non. La fonction de penser ne se délègue point. Dès
que la tête humaine reprend son antique mouvement de haut en bas, pour dire
oui, aussitôt les rois reviennent. »
Alain, « Libres
propos »
Mais pas seulement
les rois, surtout les dieux et les prophètes, et les menteurs qui, intermédiaires autoproclamés, appellent à verser le sang et le versent, hélas.
La République apprend
le doute, ce qui ne signifie pas qu’elle doive douter d’elle-même, à l’inverse.
Elle doit avec
fermeté se dresser face à ses ennemis et les combattre.
La guerre contre l’obscurantisme
sanglant n’est jamais vraiment finie.
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