Le Sénat a fait un bilan mitigé de la réforme ayant conduit à la suppression des avoués.
J'en reproduis un extrait :
"UNE RÉFORME DOULOUREUSE POUR CEUX QUI L'ONT SUBIE, UN
BÉNÉFICE ENCORE INCERTAIN POUR LE JUSTICIABLE
La réforme a-t-elle atteint ses objectifs ? Elle reposait
sur un pari : parvenir à supprimer une profession, au nom de l'intérêt général
et des exigences européennes, en en limitant le coût social pour les
intéressés.
Or, il semble que la réforme n'est pas parvenue à
l'équilibre qu'elle visait : le bénéfice pour le justiciable, but ultime de la
réforme, n'est pas assuré, quand le coût pour les finances publiques et,
surtout, les avoués et leurs salariés s'avère très élevé.
A. UNE RÉFORME DUREMENT RESSENTIE PAR CEUX QUI L'ONT SUBIE
Les développements précédents montrent qu'en dépit des
efforts consentis, le sacrifice infligé aux avoués et, tout particulièrement, à
leurs salariés a été important.
Les auditions de votre rapporteur, confirment ce jugement.
En effet, les propos tenus par les représentants des avoués et de leurs
salariés sont empreints d'une détresse résignée et font particulièrement état
des grandes difficultés contre lesquelles ils se débattent.
Les représentants des anciens avoués, reconvertis en
avocats, ont ainsi tous fait part à votre rapporteur de l'effondrement de leur
chiffre d'affaire : dépourvus de clientèle fixe, ils doivent s'atteler à en
constituer une à partir de rien, leur spécialisation d'appel ne leur
garantissant pas une activité suffisante16(*).
L'ancien président de l'association nationale du personnel
des avoués non syndiqué, M. Franck Nunes, a regretté que nombre de salariés
soient laissés en dehors des dispositifs de reclassement et que l'aide qui leur
a été apportée se soit limitée au seul versement des indemnités majorées de
licenciement.
B. UNE SIMPLIFICATION ET UNE DIMINUTION DU COÛT DE L'APPEL
PAS ENCORE AVÉRÉES
Le justiciable a-t-il malgré tout tiré parti de la réforme ?
L'appel s'en est-il trouvé simplifié, son coût a-t-il été abaissé pour le
justiciable ?
Il n'est pas possible, à ce stade, d'apporter une réponse
tranchée à ces questions.
En effet, comme l'ont observé les représentants des anciens
avoués ainsi que ceux des premiers présidents de cour d'appel, la réforme est
intervenue en même temps que deux autres réformes importantes, qui ont
contrarié le basculement de compétence des avoués vers les avocats.
La première de ces réformes a été celle de la procédure
d'appel, organisée par le décret dit « Magendie »17(*) du 9 décembre 200918(*).
Elle a provoqué nombre de forclusions ou déchéances d'appel pour non-respect
des délais plus sévères qu'elle imposait.
La seconde a été la conversion du réseau privé virtuel des
avocats (RPVA) à la procédure d'appel. En effet, celui-ci n'avait pas été
conçu, à l'origine, dans ce dessein. Les représentants de la chambre nationale
des avoués ont souligné l'inconvénient de ce défaut d'adaptation, en le
comparant, avec le dispositif de communication électronique que les avoués
avaient mis en place et élaboré dans une étroite collaboration avec les cours
d'appel.
Il est dès lors difficile d'imputer à l'une de ces trois
réformes plus qu'aux autres, certains dysfonctionnements observés dans la
conduite de la procédure d'appel.
Toutefois, à ce stade de la réforme, deux conclusions
paraissent pouvoir être tirées. La première a trait à la conduite des procédures
d'appel, la seconde à leur coût.
· Une réforme qui n'a pas conduit à une paralysie des
procédures d'appel, en dépit d'incertitudes sur l'augmentation des incidents de
procédures
Les représentants du conseil national du barreau entendus
par votre rapporteur se sont félicités de la bonne prise en charge, par les
avocats, de la postulation jusque-là exercée par les avoués.
Cette appréciation paraît devoir être modérée : si les
représentants de la conférence des premiers présidents de la cour d'appel ont convenu
que le désastre parfois annoncé ne s'était pas produit, ils ont été plus
partagés sur la parfaite assimilation par l'ensemble des avocats de toutes les
difficultés de la procédure d'appel, difficultés redoublées, comme on l'a vu,
par la réforme du décret « Magendie ».
Il est difficile de trancher la question. Votre rapporteur
estime que ce point pourra plus particulièrement être examiné par les deux
rapporteurs de la mission d'information de votre commission sur les cours
d'appel, nos collègues MM. Alain Richard et Bernard Saugey. Le taux de
sinistralité en appel des procédures conduites par un avocat19(*) pourrait à
cet égard en constituer un indicateur éclairant.
· Le coût toujours élevé des procédures d'appel
La suppression de la profession d'avoués était aussi motivée
par la volonté de soumettre à la concurrence cette activité, ce qui impliquait
la disparition du tarif acquitté par les appelants. Une baisse du coût de cette
procédure d'appel pour le justiciable en était attendue.
Cette espérance semble encore loin d'être satisfaite. En
effet, la taxe d'appel de 150 euros renchérit durablement le coût de l'appel
pour les parties, et compte tenu des surcoûts de la réforme, il est peu
probable qu'elle diminue ou disparaisse prochainement. S'ajoute à cela, pour le
justiciable, les honoraires que les avocats ont substitué au tarif anciennement
payé aux avoués."
Voilà,voilà; tout ça pour ça!
Mais on a évité le désastre!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire