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vendredi 14 mars 2014

Marseille, par Jules supervielle...



Marseille sortie de la mer , avec ses poissons de roche , ses coquillages et l'iode ,
Et ses mâts en pleine ville qui disputent les passants ,
Ses tramways avec leurs pattes de crustacés sont luisants d'eau marine ,
Le beau rendez-vous de vivants qui lèvent le bras comme pour se partager le ciel ,
Et les cafés enfantent sur le trottoir hommes et femmes de maintenant avec leurs yeux de phosphore ,
Leurs verres , leurs tasses , leurs seaux à glace et leurs alcools ,
Et cela fait un bruit de pieds et de chaises frétillantes.
Ici le soleil pense tout haut , c'est une grande lumière qui se mêle à la conversation ,
Et réjouit la gorge des femmes comme celle des torrents dans la montagne ,
Il prend les nouveaux venus à partie , les bouscule un peu dans la rue ,
Et les pousse sans un mot du côté des jolies filles .
Et la lune est un singe échappé au baluchon d'un marin
Qui vous regarde à travers les barreaux légers de la nuit .
Marseille , écoute-moi , je t'en prie , sois attentive ,
Je voudrais te prendre dans un coin , te parler avec douceur ,
Reste donc un peu tranquille que nous nous regardions un peu
O toi toujours en partance
Et qui ne peut t'en aller ,
A cause de toutes ces ancres qui te mordillent sous la mer.


Jules Supervielle - Débarcadère - 1927


A cette époque là, ne résonnait pas encore la douce musique de la kalachnikov...

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