La valeur de la philosophie doit en
réalité surtout résider dans son caractère incertain même. Celui qui n’a
aucune teinture de philosophie traverse l’existence, prisonnier de
préjugés dérivés du sens commun, des croyances habituelles à son temps
ou à son pays et de convictions qui ont grandi en lui sans la
coopération ni le consentement de la raison.
Pour un tel individu, le monde tend à
devenir défini, fini, évident ; les objets ordinaires ne font pas naître
de questions et les possibilités peu familières sont rejetées avec
mépris. Dès que nous commençons à penser conformément à la philosophie,
au contraire, nous voyons, comme il a été dit dans nos premiers
chapitres, que même les choses les plus ordinaires de la vie quotidienne
posent des problèmes auxquels on ne trouve que des réponses très
incomplètes. La philosophie, bien qu’elle ne soit pas en mesure de nous
donner avec certitude la réponse aux doutes qui nous assiègent, peut
tout de même suggérer des possibilités qui élargissent le champ de notre
pensée et délivre celle-ci de la tyrannie de l’habitude. Tout en
ébranlant notre certitude concernant la nature de ce qui nous entoure,
elle accroît énormément notre connaissance d’une réalité possible et
différente ; elle fait disparaître le dogmatisme quelque peu arrogant de
ceux qui n’ont jamais parcouru la région du doute libérateur, et elle
garde intact notre sentiment d’émerveillement en nous faisant voir les
choses familières sous un aspect nouveau.
RUSSELL Bertrand (1872-1970) Problèmes de philosophie, trad. Guillemin, Petite Bibliothèque Payot, 1968, pp. 182-183
Ce texte est réconfortant qui va me permettre d'appréhender la loi ALUR avec un maximum d'optimisme et sans préjugé aucun, aucun!
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